Il existe, entre les lignes les plus connues de Colmar, un territoire que les cartes ne dessinent pas. Un espace presque vide, à peine murmuré, niché dans les interstices de la ville. Il n’a pas de nom officiel. Il ne fait pas l’objet d’un circuit touristique, d’un guide ou d’un panneau. Et pourtant, c’est là que bat un cœur discret – celui d’un Colmar intérieur, contemplatif, essentiel.

Ce n’est pas encore la Petite Venise, bien qu’on en frôle les canaux. Ce n’est plus tout à fait le centre ancien, même si les pavés résonnent encore sous les pas. Cet « entre-ville » se découvre à pied, à l’aube ou en fin d’après-midi, lorsque les foules s’effacent et que les sons s’adoucissent.

Il commence peut-être rue des Tanneurs, là où les maisons hautes et étroites, aux façades brutes, semblent refermer le ciel. Il glisse ensuite vers le quai de la Poissonnerie, mais sans s’y attarder. Il préfère les berges discrètes de la Lauch, en aval, où les saules effleurent la surface de l’eau et où les barques semblent s’attarder.

Plus loin, en remontant vers la rue Saint-Jean ou la rue Berthe Molly, il y a parfois des portails entrebâillés qui laissent deviner des jardins privés. Des cours silencieuses, des feuillages anciens, des glycines sauvages, des pierres sculptées dont plus personne ne connaît l’origine. Ce Colmar-là est fait de traces. D’échos. D’ombres douces. On y entend le vent avant la ville. On y devine une respiration plus large, moins urbaine, presque sylvestre.

Ici, on ralentit naturellement. On regarde autrement. Un heurtoir ouvragé, un linteau oublié, une lumière qui traverse une verrière en biais. Même les enseignes se taisent : elles ne vendent rien, elles signalent à peine leur présence.

Au 34 rue des Marchands, la maison médiévale Zum Grienen Hüs se tient, discrète, comme figée dans le temps. Elle fait face au Musée Bartholdi, mais les passants la voient à peine. C’est le genre de lieu qu’on traverse sans y entrer, mais qui reste en mémoire, comme un signal faible.

Ce sont ces lieux qui racontent le mieux Colmar. Non pas dans leur ampleur, mais dans leur retenue. Dans ce qu’ils préservent, dans ce qu’ils ne livrent pas tout de suite.

 

C’est dans cette respiration lente, entre les pierres et l’eau, que s’ancre doucement une maison en devenir. Un lieu pensé pour épouser cette cadence, ce rapport au temps, ce silence habité.

La Villa COSE. Son nom circule déjà, sans que rien ne soit encore visible. Elle ne s’impose pas, elle s’installe, progressivement, dans ce Colmar feutré, presque souterrain. Comme si elle avait toujours été là.

Ce magazine n’en dévoilera pas les contours trop vite. Il se contentera d’en suivre les vibrations – celles d’un lieu qui épouse le secret pour mieux en faire une promesse.